Il faisait encore jour, pour quelques minutes. Le soleil couchant dardait ses rayons rouges sang à travers les fins rideaux de la chambre à coucher aux tons crème, imposant à la ville ses humeurs pourpres.
Si la lumière dessinait des motifs changeants sur les murs nus, lui ne les voyait pas. Il n’avait d’yeux que pour Elle. La musique s’était éteinte depuis longtemps, les lampes l’étaient tout autant. Cela faisait deux jours (déjà ?) qu’ils n’avaient pas, ou presque pas, quitté la chambre, le cocon doux de leur désespoir. Chaque minute passée ensemble, chaque caresse et chaque baiser avaient une odeur, un parfum de fin du monde.
« Ne me quitte pas. » Une prière.
« Jamais. » un mensonge, le genre que l’on raconte pour prolonger un peu plus la lueur dans les yeux des autres, quand on ne veut pas gâcher leur bonheur. Le mensonge qui vous tord les tripes car vous savez que la chute n’en sera que plus dure, mais que vous ne pouvez vous empêcher de prononcer dans le vain espoir que quelque chose, un miracle, vous donne raison.
Elle était allongée, drapée dans la soie de ses cheveux longs, frissonnant sous son regard amoureux, gémissant sous la mine de graphite mal taillée de ses crayons. 2B, HB ½, H, variations de la symphonie de ses désirs qui s’exprimait sur le papier. Le sol à ses pieds était jonché de feuilles, plus ou moins couvertes de ses courbes douces, des hachures reflétant les ombres qui couraient sur sa peau.
Le grattement de la mine, le crissement de l’épais papier, le bruit doux de la gomme étaient tants de mots d’amour, tants d’odes à sa beauté. Il la caressait de ses traits, passionnément mêlant ses fantasmes à la beauté lourde de ses seins, à la courbe sinueuse de sa taille et de ses hanches. Les feuilles déchirées par terre étaient couvertes de femmes parfaites, de guides d’anatomie, de leçons de perspective et de proportions. Mais cette perfection n’avait aucune saveur, et, fiévreusement, il essayait da capturer sa véritable beauté, la somme de ses défauts, plus grande que ses parties, qui créaient son visage, sa silhouette, son corps sans égal.
Cette fois, c’était la bonne. Ou peut-être pas. Sa fièvre, sa peur et son désir faisaient rouler une goutte de sueur sur son front, comme d’autres roulaient sur le dos de celle qui nourrissait son inspiration, minute après minute, heure après heure, dans ses frémissements et ses gémissements. Alors que les derniers coups de crayons parachevaient le chef d’œuvre de leur passion, elle se tordit sur le lit, tremblante et le sourire aux lèvres, enfouissant son visage aux parfaites imperfections dans la fraîcheur bienvenue de l’oreiller.
Il faisait encore nuit, pour quelques minutes. Le soleil levant allait darder ses rayons rouges sang à travers les fins rideaux de la chambre à coucher aux tons crème, imposant à la ville encore endormie ses humeurs pourpres.
« Ne me quitte pas. » Une prière
« Jamais. » Un miracle.
Evit ur genstrivadeg skrivañ war ar prim, en diavaez, war blasenn Charles de Gaulle e Roazhon en hañv pe en nevez-amzer diwezhañ, “Désir” an dodenn anezhi. Un hanter-eurvezh, tamm-pe-damm. Gounezet am eus 😉
Evezhiadennoù nevez